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La formation dans l’entreprise étendue

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La formation professionnelle, traditionnellement, s’est longtemps cantonnée étroitement au cadre juridique de l’entreprise. Longtemps habitués à concevoir la dépense de formation comme une obligation légale, soucieux en tout cas de maîtriser la dépense et d’en réserver jalousement l’usage aux salariés maison, les employeurs n’avaient pas naturellement le réflexe d’envisager collectivement la montée en compétences des collaborateurs des partenaires, sous-traitants ou clients : chacun devait faire le nécessaire pour être à jour des connaissances et savoir-faire nécessaire à son activité. La digitalisation et le développement d’une économie de réseau ont fait exploser ce carcan, et les dirigeants, suivis ou précédés par leurs responsables formation, sont de plus en plus nombreux à concevoir l’entreprise dans sa dimension la plus étendue, et l’impératif de développement des compétences comme devant se penser à cette échelle.

Qu’est-ce que l’entreprise étendue ?

L’entreprise étendue correspond à la 3e phase de développement de l’entreprise, dans la typologie définie par L. K. Rodrigues Bandeira : au « faire seule » (intégration verticale) et au « faire faire » (recours extensif à la sous-traitance) a ainsi succédé le « faire ensemble », dans lequel une galaxie de partenaires travaille de façon convergente vers une finalité commune. On pourrait donc définir l’entreprise étendue comme un ensemble de structures et d’individus concourant à un même objectif productif.

L’entreprise étendue n’est pas une expansion de l’entreprise : celle-ci conserve ses frontières juridiques et humaines, et ses partenaires ne travaillent pas exclusivement pour et avec elle. Il s’agit surtout d’une façon de regarder l’organisation productive depuis le point où l’on se situe : quelles sont les structures, qui sont les femmes et les hommes qui interviennent dans la production de nos biens ou de nos services ?

Typiquement, l’entreprise étendue peut comprendre :

  • Les fournisseurs, en amont de la chaîne de production ;
  • Les partenaires auxquels certaines fonctions ont été externalisées (cabinet comptable, SSN, société qui assure l’entretien des locaux, agences de recrutement ou de travail temporaire, gestionnaire formation…) ;
  • Les freelances et les consultants avec lesquels les équipes travaillent au quotidien ou ponctuellement ;
  • Les clients B2B (en aval de la chaîne de production) voire B2C. C’est tout particulièrement le cas sur les problématiques de formation : certains biens ou services requièrent l’acquisition de compétences par les utilisateurs pour donner toute la mesure de leurs performances.

L’entreprise étendue : une création du digital

Il n’y a pas de définition précise des contours de l’entreprise étendue : celle-ci est avant tout une représentation, conçue par l’entreprise elle-même, de son réseau de compétences et de partenaires. En soi, la notion n’est pas nouvelle : les entreprises ont toujours eu des fournisseurs, des partenaires et des clients. Ce qui donne corps à l’idée d’entreprise étendue, c’est l’essor du digital, qui permet d’intégrer des équipes entières dans le même système d’information, tout en permettant de créer des niveaux d’accès et d’autorisation. Les solutions digitales transforment des associations productives (des

entreprises liées par des contrats) en communautés d’activité (des équipes qui travaillent ensemble au quotidien dans un même but).

Le cabinet d’expert-comptable ou le prestataire de paie dont la solution digitale s’interconnecte avec le SIRH ou le logiciel comptable de l’entreprise, jusqu’à proposer une interface à tout ou partie des collaborateurs ; le réseau de franchisés, de concessionnaires ou de commerciaux qui partage un système d’information ; le groupe qui partage un centre de formation et un LMS… Autant de situations qui concrétisent, de fait, l’entreprise étendue.

La formation, ciment de l’entreprise étendue

Pour assurer la qualité de ses produits et prestations, l’entreprise s’appuie non seulement sur les compétences de ses propres collaborateurs, mais aussi sur celles des salariés des fournisseurs, des partenaires, du réseau commercial. L’expérience finale du client est la résultante des choix et des gestes professionnels accomplis par les collaborateurs de l’ensemble de la chaîne. En définitive, la qualité d’un bien ou d’un service est souvent égale à celle de sa composante la moins qualitative. Un produit bien conçu mais dont certains composants sont mal réalisés sera compromis par cette fragilité. Une solution logicielle bien développée mais commercialisée à contre-emploi pourra créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. Pour une entreprise comme Airbus, par exemple, le niveau de compétences des salariés des équipementiers représente un enjeu industriel et économique considérable.

Or, dans le système traditionnel, l’entreprise maîtrise les compétences de ses propres salariés, mais n’a pas de prise sur celles des collaborateurs des partenaires et fournisseurs. Concevoir son réseau productif et distributif comme une entreprise étendue permet d’envisager collectivement la montée en compétences de l’ensemble des femmes et des hommes impliqués dans la production et la distribution. C’est un véritable enjeu stratégique pour l’entreprise.

Des contours à géométrie variable

Dans de nombreuses situations, l’importance de former simultanément les collaborateurs de l’entreprise étendue s’impose d’elle-même. Prenons l’exemple d’une entreprise qui a recours à une solution de paie externalisée dans le cloud. Lorsque la législation change, surtout s’il s’agit d’une évolution radicale comme le passage en DSN, l’éditeur fait évoluer sa solution.

  • Les concepteurs, les développeurs et les commerciaux doivent alors se former aux implications du nouveau contexte légal ;
  • mais les chargés de paie de l’entreprise cliente doivent également se former aux évolutions de la solution.
  • Parfois, lorsqu’un SIRH met en place une fonctionnalité ouverte à l’ensemble des collaborateurs – comme la saisie des demandes de congé ou les choix en matière de couverture maladie complémentaire, par exemple – une brève action de formation peut être nécessaire à l’échelle de toute l’entreprise.

Cette logique peut être étendue beaucoup plus largement lorsqu’une entreprise conçoit, produit et commercialise une nouvelle offre. Les salariés de toute la chaîne de production/distribution voient alors évoluer leur métier. Concevoir l’entreprise comme étendue permet d’envisager globalement l’effort de formation à fournir.

C’est tout particulièrement le cas lorsqu’une réglementation ou une évolution technologique change les standards du marché. La transition écologique et énergétique transforme ainsi de manière transversale des filières entières, du point de vue des compétences requises. Le passage à la voiture

électrique, notamment, suppose de former simultanément les salariés des fabricants de batteries, des constructeurs automobiles, des garagistes et des installateurs de bornes électriques. Un promoteur immobilier qui construit des logements aux nouvelles normes énergétiques devra travailler simultanément avec des corps de métier dont les compétences devront évoluer parallèlement. Selon le Rapport sur l’évolution de l’environnement, il y aurait en France, à côté de 142 000 emplois directement en rapport avec l’économie verte, près de 3,8 millions de métiers dits « verdissants », dont le contenu en compétences va devoir évoluer significativement au cours des années à venir. Ces défis ne pourront être relevés efficacement que dans le cadre de l’entreprise étendue.

Quels moyens au service de la formation de l’entreprise étendue ?

Concrètement, pour maîtriser l’évolution des compétences à travers l’ensemble de son réseau productif et distributif, l’entreprise peut compter sur trois familles de solutions complémentaires. Dans les trois cas, le responsable formation est au centre de la manœuvre.

Les actions de formation ad hoc

La formation à l’échelle de l’entreprise étendue passe souvent, dans un premier temps, par la réponse à un besoin spécifique, qui justifie la mise en place d’une action de formation dépassant les frontières juridiques de l’entreprise. Il peut s’agir du déploiement d’une nouvelle offre, de la mise en conformité avec une nouvelle norme légale ou de marché, d’un engagement RSE pris en commun avec les sous-traitants… On est alors dans l’expérimentation et l’innovation : le responsable formation du donneur d’ordre conçoit une ingénierie de formation et se met d’accord avec les partenaires sur les modalités de déploiement (digital, présentiel, blended), de financement et d’évaluation.

Le centre de formation interne ou partagé

Le plus souvent, cependant, l’entreprise étendue requiert un effort de formation récurrent. Celui-ci justifie donc, si ce n’est pas déjà fait, de créer un centre de formation interne, voire une université d’entreprise. Équipé pour acquérir, assembler et développer des contenus, le centre de formation peut atteindre des publics nombreux, variés et dispersés géographiquement. Les prestations du centre de formation peuvent même devenir un complément de l’offre de l’entreprise à ses partenaires, voire faire l’objet de facturation.

Le LMS

Conçus pour créer, déployer, gérer des actions de développement des compétences à distance au sein d’une grande organisation, les LMS sont les alliés quasi indispensables de l’entreprise étendue. Par leur intermédiaire, les contenus peuvent être diffusés à travers tout le réseau de partenaires, dans des conditions maîtrisables et définies en commun. Le suivi et l’évaluation peuvent être centralisés ou laissés au soin de chaque entité. Le LMS ne répond pas, par lui-même, à toutes les questions posées par la formation des salariés de l’entreprise étendue (qui paie ? qui contrôle ? qui certifie ? qui gère la confidentialité des données ?) ; mais il crée les conditions nécessaires pour déployer la formation largement et pour mettre en place avec souplesse les modalités négociées entre les partenaires.

Les entreprises sont déjà nombreuses à l’avoir compris : selon le 4e baromètre Cornerstone-Féfaur, en 2019, plus de la moitié (51,5 %) des entreprises dotées d’un LMS l’utilisaient pour former les externes (revendeurs, partenaires, fournisseurs et clients) ou envisageaient de le faire sous deux ans. 18,4 % d’entre eux pratiquaient ou envisageaient de pratiquer la commercialisation de contenus de formation en externe. La transformation ne fait que commencer.

Dans une économie centrée sur les compétences, et dans laquelle les acteurs tendent à se recentrer sur leur cœur de métier tout en déléguant le reste à des prestataires spécialisés, la formation appliquée à l’entreprise étendue a de beaux jours devant elle. Le digital apparaît comme un vecteur incontournable de cette évolution : il l’a initiée (en rendant possible la diffusion de contenus à grande échelle et en cristallisant l’entreprise étendue), il suscite de nouvelles questions (la gestion des données, les autorisations, le suivi des formations, l’évaluation…) et il apporte les moyens d’y répondre. Les grandes transformations économiques et sociales qui nous attendent (la transition énergétique, la silver economy, la digitalisation en elle-même…) exigeront, de plus en plus, que les entreprises se conçoivent comme étendues et apportent des solutions innovantes aux besoins de compétences de l’ensemble des collaborateurs impliqués.

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