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RH et intelligence artificielle : et maintenant ?

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L’intelligence artificielle a déjà amplement démontré sa capacité à assister la décision RH, que ce soit en matière de recrutement ou de gestion des carrières. Mais quelles sont ses perspectives de développement aujourd’hui ? Nous abordons la question avec l’expertise de Cyril Le Mat, Director of Data Science chez Cornerstone OnDemand.

Précisions d’abord ce que nous entendons par « Intelligence artificielle ». Contrairement à une vision répandue, elle ne consiste pas à fabriquer et programmer des machines qui imitent l’intelligence humaine. L’intelligence artificielle désigne très prosaïquement l’intelligence des machines, par opposition à celle des humains ; c’est-à-dire, leur capacité à analyser leur environnement et à y réagir, à s’y adapter, à leur manière de machine. L’intelligence artificielle ne vise pas à remplacer l’humain mais à le compléter, en se chargeant des tâches qu’elle effectue mieux et plus vite que lui.

La recherche en IA appliquée aux RH se concentre sur l’analyse et la mise en relation de 3 types d’informations : les profils, les postes, les contenus de formation. « Il y a une difficulté particulière dans le domaine des RH », explique Cyril Le Mat. « Les données à analyser sont essentiellement du texte, non calibré, avec des termes souvent très subjectifs. Dans le juridique, les textes sont objectifs et peu interprétables. Ce n’est pas le cas en RH. Un CV est difficile à analyser : les concepts derrière les mots varient beaucoup suivant les individus. Il y a une complexité intrinsèque à la donnée RH, qui explique qu’historiquement, peu de systèmes utilisent ces informations ».

La recherche en IA dans le domaine RH a donc beaucoup porté sur l’identification des compétences des individus, sur la nature des liens qui relient les compétences entre elles, sur la définition des intitulés de postes, sur la mise en relation de toutes ces données.

Ce que l’IA fait aujourd’hui pour les RH

Concrètement, les outils de l’IA permettent d’ores et déjà, parmi d’autres tâches :

  • de détecteret d’extraire les compétences d’un individu dans les textes qui le concernent (CV, lettre de motivation…), par exemple pour établir un graphe de compétences ;
  • de traduire un intitulé de poste en 15-20 compétences plutôt qu’en 2 ou 300 tâches à accomplir ;
  • de réaliser le « matching » entre les offres et les profils.

Dans quel contexte RH ces technologies sont-elles utilisées ? Il y en a principalement trois :

  • Le recrutement : l’IA permet d’aider à formuler le contenu « compétences » des offres d’emploi de façon pertinente et efficace ; d’identifier les compétences des candidats ; d’effectuer éventuellement un premier tri des candidatures ; puis d’accompagner le parcours candidat.
  • La Talent Marketplace : les mêmes techniques sont mises au service de la mobilité interne et de la gestion des carrières. « L’IA permet de recommander du contenu et des opportunités pertinentes aux collaborateurs, via l’autodétection, en fonction des compétences que l’outil les aide à identifier à partir de leur CV et de tout autre document les concernant », explique Cyril Le Mat.
  • Le LXP (Learning Experience Platform) : l’IA permet d’aider le salarié non seulement à identifier les compétences qu’il maîtrise mais aussi à évaluer celles qui lui manquent pour atteindre un objectif professionnel. Et donc, de proposer la formation la mieux adaptée pour y parvenir.

Ces trois applications existent déjà sur le marché, à divers degré de développement et de performance.

Ce que l’IA fera demain

L’IA n’est pas une technologie unique et statique, susceptible d’atteindre une maturité rapide qui instaure un standard durable sur le marché. Par essence, l’intelligence artificielle est en mouvement permanent. A mesure que les machines apprennent à apprendre, on peut s’attendre à ce que, dans les années à venir, elles fassent de mieux en mieux ce qu’elles savent déjà faire. Les applications RH de l’IA ont déjà fait la preuve de leur efficacité ; elles vont devenir encore plus performantes. « Chacun a ses idiosyncrasies, ses façons de nommer les choses » poursuit Cyril Le Mat. « L’IA sera de plus en plus capable de comprendre le langage de chacun pour mieux évaluer ses compétences ». Et donc, de proposer des réponses et des services de plus en plus personnalisés. « C’est une tendance de fond du marché, pour les 10 ans à venir ».

Mais pour Cyril Le Mat, l’apport de l’IA au monde des RH ne s’arrêtera pas là. « La visualisation des compétences à l’échelle de l’entreprise permettra d’accompagner la décision RH, de faire du Strategic Workplace Planning… L’idée est d’utiliser ces données « compétences » renseignées par les salariés pour produire des visualisations utiles pour piloter l’entreprise. Il s’agit de faire en sorte que les RH ne soient plus dans la réaction (on constate un manque, on embauche) mais dans un positionnement stratégique d’anticipation : analyser les écarts de compétences (Skills Gap Analysis) et donc les besoins de formation et de recrutement futurs pour atteindre les objectifs de l’entreprise, identifier les opportunités de développement à partir des poches de compétences… Ces visualisations permettent aux DRH d’aller voir les décideurs, les leaders business avec une vision RH des compétences et des possibilités offertes à l’entreprise ».

Simple à comprendre en théorie, cette utilisation de l’IA demande encore à être affinée et industrialisée, mais les techniques sont déjà bien avancées. « Nous disposons d’environ 50 000 concepts de compétences. Dans une entreprise donnée, on va en trouver par exemple de l’ordre de 5 000. Tout l’enjeu est de représenter le nuage des compétences, en faisant des cartographies. Les 1 000 principales compétences vont apparaître groupées par proximité. La visualisation permet de zoomer, de voir chaque compétence dans son contexte près des autres compétences proches, mais aussi de poser des questions, de comparer deux entités… Il va y avoir un développement important de produits de ce type, permettant d’informer les décisions stratégiques globales des entreprises ».

Ce que l’IA ne fera pas

Les perspectives de développement qualitatif et quantitatif de l’intelligence artificielle (dans les RH ou ailleurs) sont très importantes. Pour autant, la technologie a des limites. « Aucun système IA ne peut prétendre à une qualité de détection de 99,99% sur des données de ce type », selon Cyril Le M. « L’enjeu est de monter progressivement de 95% à 96%, 97%... » Il y a donc au moins deux choses que l’IA ne fera pas en matière de RH :

  • Identifier les soft skills avec une précision absolue. « Ces technologies sont très performantes pour repérer tout ce qui relève des hard skills. En matière de soft skills, il est difficile d’obtenir des résultats fiables qui fassent vraiment sens. Et le risque de discrimination est toujours présent en RH. On ne peut pas avoir de fortes prétentions dans ce domaine. Les entreprises qui prétendent identifier les soft skills via l’IA soit arrêtent de le faire, soit ne le font pas vraiment ».
  • Remplacer l’humain dans la décision : ce n’est pas la vocation de l’IA. Celle-ci « vise à automatiser les tâches qui peuvent l’être, afin de permettre aux humains de se concentrer sur les tâches à plus haute valeur ajoutée », pour Cyril Le Mat. L’IA propose, mais l’humain choisit et décide, en somme. « Il est important d’avoir bien conscience des limites de sa technologie ».

L’apport de l’IA aux RH repose avant tout sur cette complémentarité avec l’humain. « L’IA ne remplace quasiment jamais une réflexion humaine, elle remplace le temps de recherche d’information et d’analyse des documents pour ouvrir des possibilités aux employés. J’ai été surpris de l’ampleur des retours positifs des salariés comme des responsables RH. Les outils qui utilisent l’IA changent les relations entre collaborateur et RH : le salarié ne va plus voir son service RH pour lui demander de l’information, mais pour lui dire, ‘j’ai vu telle opportunité, peut-on en parler ?’ » Contrairement aux craintes initiales, l’intelligence artificielle ne déshumanise pas les relations de travail : elle accroît l’autonomie et la capacité d’initiative des acteurs, au bénéfice de tous.

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